Publications
Nicolas Quérini, De la connaissance de soi au devenir soi. Platon, Pindare et Nietzsche,
Paris, Garnier Flammarion, 2023.
Paris, Garnier Flammarion, 2023.
Résumé :
En Grèce ancienne, l’inscription delphique « Connais-toi toi-même », devenue sentence proverbiale, ne signifiait nullement une invitation à l’introspection, à l’observation de soi par soi. Elle ne devait pas même être comprise, dans un premier temps du moins, comme nous invitant à nous connaître nous, en particulier. La sagesse que cette formule condense consistait ainsi d’abord à faire le départ entre la race des hommes et celle des dieux. Elle était alors avant tout un précepte de modestie qui nous ramenait à notre mesure humaine. Si cette dimension n’est évidemment pas absente des Dialogues de Platon, notre livre tâche de montrer que le philosophe athénien ne se contente pas d’une telle mesure lorsqu’il situe la condition humaine en proximité immédiate du divin, à la suite de Pindare qui immortalisait déjà par sa poésie les exploits des vainqueurs aux Jeux qui contribuaient à la gloire de la Grèce. Ainsi, loin d’être compris uniquement comme un principe de modestie, la pleine compréhension de la connaissance de soi nous invite, selon Platon, à reconnaître le divin en soi et à tâcher de nous apparenter le plus possible à celui-ci.
Or, si la connaissance de soi est sans aucun doute au fondement de l’éthique platonicienne, nous pouvons avoir l’impression que cette dimension est totalement absente de celle que formule Nietzsche et qui se concentre dans l’expression fameuse « Deviens ce que tu es ». Plus encore, on peut penser que l’absence de la connaissance de soi dans le processus du devenir soi est thématisée comme telle par le philosophe, puisque Nietzsche, qui se réapproprie ici le mot de Pindare, omet la fin du vers de la Deuxième Pythique dans lequel elle figure, le poète écrivant pour sa part : « Deviens tel que tu as appris à te connaître (Γένοι ̓ οἷος ἐσσὶ μαθών) ». Pindare plaçait déjà l’accent sur l’action, qui devait ainsi précéder la réflexion. Nietzsche ferait alors un pas de plus en construisant une sorte d’éthique de l’action, à rebours de toute réflexivité. Il semble donc que, chez le philosophe allemand, l’impératif de la connaissance de soi doive s’effacer au profit du seul devenir-soi. À partir de cette considération, nous serions tentés de penser que la philosophie nietzschéenne se construit sur ce point également comme un symétrique inversé par rapport à celle de Platon.
Notre livre consiste au contraire à révéler un rapport, une dette paradoxale de Nietzsche envers Platon, par l’intermédiaire de la poésie de Pindare. Le paradoxe que nous cherchons ainsi à déceler, c’est que si Nietzsche critique la connaissance de soi en tant qu’elle nous fait entrer dans l’ère de la morale, l’exigence du devenir soi qu’il cherche à penser pour lui-même et pour l’individu véritable trouve également sa source dans la tradition delphique. Le célèbre vers de Pindare – « Deviens tel que tu as appris à te connaître » –, est ainsi un prolongement du « Connais-toi toi-même » et même une reformulation de celui-ci, dans le contexte agonal des Jeux qui faisaient la gloire de la Grèce. Nietzsche se fait alors critique d’une morale et de ses avatars, depuis une pensée du devenir soi qui prend sa source dans le même lieu, à savoir Delphes.
Finalement, en se situant dans le prolongement du poète, le philosophe allemand est donc bien davantage dans la continuité de la réflexion platonicienne qu’une lecture rapide de ses œuvres pourrait le laisser penser. Ainsi, le travail que nous proposons sur les écrits de la période bâloise de Nietzsche (de la Naissance de la tragédie aux Considérations inactuelles) dévoile un rapport beaucoup plus ambigu au précepte delphique de la part du philosophe allemand. Nous montrons en effet que le précepte delphique, loin d’être absent de ce corpus, est pleinement associé à la dynamique du devenir soi. De façon parallèle, si la dimension de la connaissance est nécessairement première chez Platon, elle doit également s’accomplir dans un travail sur soi, de sorte que la dimension du devenir soi n’est évidemment pas absente des Dialogues. Loin de les tenir pour des impératifs antinomiques, nous estimons donc au contraire que le « Deviens ce que tu es » est comme la formule secrète du « Connais-toi toi-même ».
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Christophe Fradelizi, "La métaphore du dämonisch dans l’œuvre de Nietzsche"
dans Ruptures et innovations dans la philosophie allemande, dir. C. Denat et P. Wotling, Paris, Garnier Flammarion, 2022.
dans Ruptures et innovations dans la philosophie allemande, dir. C. Denat et P. Wotling, Paris, Garnier Flammarion, 2022.
Résumé: Après le moment grec, socratique et platonicien, puis le triomphe du rationalisme métaphysique de l'âge classique, les XIXe et XXe siècles allemands pourraient bien être le troisième âge d’or qu’ait connu la pensée philosophique. Comme les deux précédents, il se caractérise par la radicalité de ses innovations. Il s’en distingue par le rythme soutenu des ruptures qui, en quelques décennies, lui font explorer un spectre extraordinairement diversifié de logiques d’analyse: un âge d’or qui est aussi un âge de bronze, en quelque sorte. C’est sur quelques-unes de ces fécondes relations d’attachement et de rupture que se penche le présent volume.
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David Simonin, Le Sentiment de puissance dans la philosophie de Friedrich Nietzsche,
Paris, Garnier Flammarion, 2022.
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Résumé: La Volonté de puissance, ouvrage faussement attribué à Friedrich Nietzsche, a occasionné de nombreuses méprises et rejeté dans l’ombre le concept de « sentiment de puissance » pourtant omniprésent sous sa plume. Ce livre lui rend la place qui lui revient et renouvelle la compréhension de la pensée de Nietzsche.
Présentation à venir : le 27 avril à l'Université Libre de Bruxelles.
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